En
,l'an 44, Jacques le Majeur, le
fidèle disciple de Jésus,
fut décapité en Palestine.
Son corps fut jeté dans une barque.
Sa dépouille dériva sur la
mer Méditerranée, passa le
détroit de Gibraltar, navigua sur
l'océan Atlantique pour finalement
échouer sur les côtes de
Galice. En l'an 813, un saint ermite
nommé Pelayo découvrit la
sépulture, en suivant les
indications d'une étoile. L'endroit
fut baptisé Compostelle : le
""champ de l'étoile".
Pour les fidèles du Moyen Age, se
rendre à Compostelle valait un
pèlerinage à Rome ou
à Jérusalem. À cette
différence près: tous les
chemins ne menaient pas à
Compostelle! Les pèlerins qui
traversaient le Quercy suivaient la ""via
podiensis", entre Conques et Moissac. Plus
de mille ans plus tard, le GR 65 a
été inscrit au patrimoine
mondial de l'UNESCO. L'itinéraire a
toujours ses fidèles, mais la
sur-médiatisation est aussi
passée par
là.
Marguerite
Combien sont-ils,
chaque année, à emprunter le
GR 65 ? Trois mille, cinq mille marcheurs?
Combien vont jusqu'en Espagne? Combien
font la route par petits tronçons,
comme Marguerite, cette Parisienne qui
descend du train, le samedi matin à
la gare de Cahors pour monter à
pied à Lacapelle et se reposer
à Lascabanes, et rentrer par les
mêmes moyens le dimanche soir...
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Pendant les ponts du
mois de mai, Bernard Serre, le sympathique
aubergiste du point étape de Pech
Olié, près de Varaire, voit
passer près de deux cents marcheurs
par jour. Il en accueille depuis 1991. "On
trouve toutes sortes de pèlerins,
dit-il. Avant, leur démarche
était spirituelle au sens large.
Maintenant, avec la
sur-médiatisation, le
pèlerinage est devenu touristique.
L'éventail social est large, il va
du simple chauffeur routier au directeur
d'usine qui fait établir ses
itinéraires par sa
secrétaire..."
La foi des
marcheurs
Pour aller de
Varaire à Cahors, il faut marcher
environ dix heures, en passant par Vaylats
et Laburgade. À raison de 15
à 45 kilomètres par jour,
les groupes se font ou se défont au
gré des étapes. Ceux qui
voyagent en famille ont tendance à
se refermer sur eux-mêmes.
"Cette année, nous avons eu
très peu d'étrangers", a
constaté Bernard Serre. Les gens
réservent leurs étapes en
gîte de plus en plus à
l'avance, quitte à changer d'avis
au dernier moment.
Parfois, la foi des marcheurs est plus
trapue, comme ce groupe de vingt -cinq
personnes qui marchaient en compagnie d'un
prêtre. "On a eu deux fois la messe
dans la cour. Avant de partir, ils m'ont
chanté des cantiques, debout, sous
la pluie battante".
La pluie du matin n'arrête pas le
pèlerin et les pèlerins se
lèvent très tôt, pour
partir à la fraîche. "Prier
Dieu, est-ce que ce n'est pas une preuve
de l' orgueil humain", demandait
même l'un deux,
à
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sept heures du
matin, à son hôte mal
réveillé qui beurrait les
tartines. Des histoires comme ça,
il en circule des centaines, sur la
route.
Coquillages
Nous avons aussi
rencontré simone, qui fait voyager
ses bagages de gare en gare. Elle peste
contre les gîtes qui, affichant
complet, la forcent à grever son
budget à l'hôtel et à
prendre le train pour l'Espagne. Jacques,
retraité, aime marcher dans la
campagne parce qu'il a horreur de la
ville, même si, au bord des routes,
les marchands du temple vendent des
coquilles Saint-Jacques et des chaussures
de marche
Monique et Jean-Pierre sont croyants et
pratiquants. L'an dernier, ils ont couvert
790 kilomètres en 32 jours. Cette
année, ils sont partis pour cinq
semaines. Pour se diriger, ils font
confiance à la revue ""Miammiam,
Dodo", un guide du routard façon
Saint-Jacques. ""Croyants, ou non
croyants, on part randonneur et on arrive
pèlerin", a compris Monique.
En dépit de l'inévitable
folklore, les pèlerins
reconnaissent que les sentiers,
empruntés avant eux par des
centaines de générations de
marcheurs, conduisent surtout à la
découverte de soi-même.
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